À l’occasion de cette cinquième interview, Marie de PAGE des Libraires m’a fait le plaisir de réaliser mon souhait de mettre en avant une Maison d’Édition. En cette période de Pré-Rentrée littéraire, Frédérique Polet, Directrice éditoriale du Domaine étranger des Éditions Presses de la Cité, a bien voulu répondre à quelques questions. Un grand merci à elles deux, d’autant plus que Presses de la Cité est une Maison que j’affectionne particulièrement et avec qui je suis partenaire à l’année.
1) Comment êtes-vous devenue éditrice ?
J’ai commencé ma carrière dans l’édition au service des cessions de droits. Pendant une quinzaine d’années, j’ai prospecté, négocié, cédé les droits dérivés et secondaires des ouvrages des catalogues des maisons des Presses de la Cité et des éditions Belfond. Deux éditeurs ayant une collection de littérature étrangère riche et variée. Grâce à Françoise Triffaux, alors Directrice éditoriale de Belfond, j’ai eu la chance de travailler les livres très en amont, souvent dès leur acquisition. Travailler en étroite collaboration avec elle et les éditeurs des Presses de la Cité fut une expérience formidable, extrêmement enrichissante. Quand Béatrice Duval a quitté la direction éditoriale des Presses, j’ai décidé de tenter l’aventure et de poser ma candidature à sa succession. Me voici donc depuis près de six ans à la direction éditoriale du domaine étranger de Presses de la Cité.
J’ai quatre collaboratrices. Coline Lafond, mon bras droit depuis près de 6 ans, Romane Lafore, une jeune éditrice arrivée en janvier dernier, Florence Noblet en charge des traductions et Tania Fouquet qui veille avec son équipe de correcteurs à la perfection des textes. A nous cinq, nous publions près de cinquante livres par an !
2) Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce métier ?
Tout me plaît dans le métier d’éditeur. Rechercher les textes, découvrir de nouveaux auteurs, négocier, convaincre un auteur, son agent ou son éditeur étranger, de rejoindre notre maison, ensuite veiller au bon déroulement du travail éditorial que j’ai décrit plus haut, discuter des couvertures, imaginer le lancement des livres avec nos services promo et marketing, discuter avec nos équipes de ventes, rencontrer les libraires, les journalistes et, enfin, nos lecteurs lors de salons, de séances de dédicaces.
C’est un métier de partage, d’écoute, de rencontres. Il arrive de trouver un roman par hasard, en discutant.
Et bien sûr parce que plonger dans une histoire, découvrir de nouvelles voix, défricher de nouveaux territoires procurent toujours autant d’émotions. Depuis le succès du Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire de Jonas Jonasson, notre catalogue, jusqu’alors majoritairement anglo-saxon, s’est ouvert aux littératures islandaise, allemande, russe, japonaise, chinoise, israélienne, bientôt flamande et néerlandaise.
3) Comment choisissez-vous les manuscrits que vous éditez ?
De plusieurs façons. En discutant régulièrement avec les agents ou les éditeurs étrangers, à l’occasion des Foires de Francfort, de Londres, lors de déplacements à New York. Récemment, j’ai eu la chance de participer à un fellowship d’éditeurs organisé par le Flanders Literature qui m’a permis de découvrir plus précisément la littérature flamande et néerlandaise. En échangeant avec des confrères étrangers avec lesquels j’ai tissé des liens amicaux et avec lesquels j’aime échanger, parler de nos découvertes, de nos lectures. C’est grâce à l’une de ces rencontres entre deux rendez-vous à Francfort que j’ai découvert le roman de l’auteure israélienne, Ayelet Gundar Goshen, Une nuit, Markovitch. Je me souviens être repartie de la Foire avec la traduction du texte que j’ai pu dévorer dans le train de retour pour Paris ! Je peux aussi découvrir un auteur grâce aux conseils d’un traducteur. C’est ce qui s’est passé pour Steven Uhly dont nous publierons pour cette rentrée le magnifique roman, Le Royaume du crépuscule.
Ensuite, en lisant la presse étrangère, les blogs littéraires étrangers. La difficulté en matière de littérature étrangère est de ne pas trop se disperser et de réussir à faire le tri parmi tous les textes que l’on vous propose depuis les quatre coins du globe chaque jour par mail !
C’est un travail acharné, qui demande beaucoup d’énergie, d’être à l’écoute, curieux et de rester motivé surtout en ces temps difficiles pour notre industrie.
4) Que se passe-t-il entre le moment où un manuscrit arrive chez vous et celui où il est publié ?
En littérature étrangère, la première étape lorsque nous avons acquis un texte est de rechercher le traducteur capable de restituer la voix de l’auteur. Une fois traduit, la traduction est révisée. Aux Presses, nous sommes très attentifs à la qualité des traductions. Nous avions d’ailleurs reçu en 2014, le Prix Pierre-François Caillé de la traduction pour la traduction de LA FEMME A 1000° d’Hallgrimur Helgason par Jean-Christophe Salaün. Nous sommes d’autant souvent amenés à réaliser des défis car en effet nous publions de nombreuses langues plus rares. Il est évident que traduire un livre de l’islandais, de l’hébreu, ou du japonais, implique une collaboration étroite avec les traducteurs.
Le manuscrit est ensuite envoyé en composition puis viennent les étapes de préparation de copie puis de correction. Ensuite, bien entendu le texte part en fabrication, la dernière étape avant sa parution. Enfin, nous recevons les livres… pour moi, c’est toujours la même émotion lorsque j’ouvre le carton et découvre le livre fini !
5) Qu’est-ce que vous apporte votre partenariat avec la revue PAGE ?
Elle est importante. Avoir un article dans PAGE fait toujours extrêmement plaisir, nous attendons impatiemment chaque nouveau numéro pour découvrir si nos livres font partie des coups de cœur des libraires. Nous savons que les libraires séduits défendront nos ouvrages avec passion et sauront communiquer cette passion aux lecteurs. C’est aussi la caution de quelqu’un du métier.
6) Un livre que vous nous conseilleriez…
L’un de mes coups de cœur de l’année, LA MAISON AU BORD DE LA NUIT de Catherine BANNER. Une magnifique saga qui raconte, sur trois générations, l’histoire des habitants d’une petite île au large de la Sicile. Des histoires d’amour et de haine, de vengeance, de pardon, la guerre, la paix, une famille – les Esposito – inoubliable et un décor qui donne envie de larguer les amarres ! J’ai lu ce roman pour la première fois il y a deux ans et entends encore raisonner les voies des personnages !
7) Parlez-nous un peu de votre catalogue Rentrée Littéraire 2017…
Il s’agit d’une rentrée littéraire engagée et qui me tient particulièrement à cœur.
Nous publierons trois textes d’horizons différents, chacun d’eux porteurs d’un message et qui tous montrent que la littérature est importante pour comprendre le monde et pourquoi pas aider à le changer.
Réveiller les lions, le deuxième roman de l’israélienne Ayelet Gundar Goshen. Déjà très remarquée l’an dernier avec Une nuit, Markovitch,
Une histoire des abeilles de la norvégienne Maja Lunde et,
Le Royaume du crépuscule de Steven Uhly.
Trois romans magnifiques qui racontent le monde dans lequel nous vivons, qui interrogent sur notre place dans l’Histoire, sur le monde que nous voulons laisser à nos enfants.
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Rendez-vous tout bientôt pour un concours et une sixième interview exclusive !
Une réflexion sur « Interview Éditeur●trice : Frédérique Polet de « Presses de la Cité » »