Lecture : « À l’ombre des cerisiers » de Dörte Hansen

C’est au printemps 1945 que la petite Vera voit pour la première fois la vieille ferme perdue au cœur d’un immense verger. Sa mère et elle viennent de  traverser à pied une Allemagne en ruines.
Soixante-dix ans plus tard, Vera, qui occupe toujours la maison, voit débarquer à son tour sa nièce, Anne, en pleine rupture amoureuse, et son jeune fils Leon.

Les deux femmes, fortes têtes et solitaires, vont affronter ensemble une histoire familiale traversée de secrets et de non-dits.  Sauront-elles redonner vie à ces murs hantés par les chimères du passé ? Pour cela, il faudra d’abord apprivoiser les habitants du village qui ne manquent ni de caractère ni d’originalité…

Avec beaucoup de tendresse et un humour mordant, ce premier roman brosse le portrait de deux femmes indépendantes qui vont trouver ce qu’elles ignoraient chercher : une famille.

A l'ombre des cerisiers

À l’ombre des cerisiers – Dörte Hansen

Éditeur : Kero (2016)

Pages : 304

Ma note : 3,25/5

Mon avis :

À l’ombre des cerisiers, une maison du « Vieux Pays » allemand héberge tour à tour depuis des décennies des hommes et des femmes de caractère. Nous suivons notamment l’histoire de Vera qui est arrivée avec sa maman Hildegard devant cette grande maison de paysan en 1945, en tant que réfugiées, fuyant la Prusse orientale en guerre. Ida, la propriétaire, les a accueilli sous son toit, avec distance et une bonté relative au premier abord. Mais celle-ci se révèle finalement une hôte pas si renfrognée. Hildegard et Vera vivront plusieurs années à ses côtés, ainsi qu’aux côtés de Karl, le fils d’Ida. Mais la vie ne sera pas facile, le caractère froid et autoritaire d’Hildegard aura raison de la maîtresse des lieux.
La mort, le désamour et l’abandon touchent des vies déjà bien marquées et nous découvrons des femmes que la vie n’a pas épargné.
Ainsi ce roman traverse les générations et met à l’honneur la maternité, les liens familiaux et les origines. Nous découvrons comment le passé difficile s’est répercuté sur ces femmes qui ont du mal à aimer et à être aimées, même cinquante ans après.
Mais la vie réunira Vera et sa nièce Anne dans cette même maison aux colombages du « Vieux Pays », à l’ombre des cerisiers et près de l’Elbe. Les démons du passé, les croyances, les difficultés face à l’amour et à la sociabilité pourront-ils laisser la place à une vie plus paisible et heureuse désormais ?

Ce roman met également en exergue la vie à la campagne face à la vie en ville, le choc des cultures et la confrontation des néo-ruraux écolos face aux paysans installés ici depuis toujours. L’auteure nous conte la difficulté pour les réfugiés de s’intégrer et d’essayer de reprendre goût à la vie, un sujet qui est malheureusement toujours d’actualité ici et ailleurs.

« Elle n’avait toujours pas confiance en cette maison, mais elle ne lui permettrait pas de l’expulser, la régurgiter, la rejeter tel un corps étranger, à l’instar de tous ces réfugiés qui avaient quitté au plus vite les grandes demeures paysannes pour s’installer humblement, pleins de gratitude, dans leur petite maison des lotissements, et qui veillaient scrupuleusement à ne plus être à la charge de quiconque, leur vie durant. »

Dörte Hansen expose tout en finesse et poésie le lien qui lie Vera à cette maison qui l’a sauvée.

« Elle s’était échouée dans la maison d’Ida Eckhoff comme une noyée sur une île. Elle était toujours entourée de cette eau, et cette mer lui faisait peur. Il lui fallait demeurer sur cette île, dans cette ferme où elle ne pouvait certes pas prendre racine, mais où elle s’était accrochée, agrippée aux pierres, pareille à une mousse ou un lichen.
Ni croître, ni fleurir, juste rester. »

Le roman s’articule aussi autour de la thématique de la possession des terres par l’Homme, de ce besoin de s’approprier les choses, et de ne pas toujours s’ouvrir au monde.

« C’était peut-être inné, quand on était venu au monde dans une de ces familles, qu’on était d’emblée partie intégrante d’une architecture à pans de bois. On connaissait sa place et son rang dans ce paysage où tout reposait sur l’ancienneté : d’abord venait le fleuve, puis le pays, puis les briques et les poutres en chêne, et enfin ces hommes aux noms anciens à qui appartenaient le pays et les vieilles maisons.
Tout ce qui était arrivé après, les bombardés, les expulsés, les gens las de la ville, les sans-terre qui cherchaient un pays, n’était que du sable apporté par le vent, de l’écume déposée par les vagues. Des nomades qu’on laissait sur les routes. »

Ce roman met également le doigt sur l’évolution des mentalités, génération après génération, des fils de paysans qui finissent par s’autoriser la liberté de choisir leur vie, de ne pas poursuivre inlassablement le destin de leur père.

« Les maisons comme celle-ci, les pères les construisaient pour leurs fils, et les fils les entretenaient et les conservaient pour leurs fils à eux, et jamais un fils ne s’était demandé si c’était ce qu’il voulait, lui. Quand est-ce que ça avait commencé, cette histoire de vouloir ? Quand s’était glissée l’erreur ? Quand avait surgi ce malentendu, cette idée que les fils de paysans pouvaient choisir leur vie ? Opter tout simplement pour celle qui semblait agréablement variée et confortable ? »

À l’ombre des cerisiers est un roman qui se lit doucement, qui s’apprécie comme une histoire de grand-mère. Ici, pas d’issue finale alambiquée et surprenante, juste une histoire de vies.
J’ai apprécié cette lecture mais elle manquait de rebondissements pour me happer, ce qui a eut pour effet quelques longueurs, malgré des chapitres parfois très intéressants et touchants.

Un grand merci aux Éditions Kero pour cette lecture et à NetGalley pour les beaux partenariats qu’ils rendent possible.

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Auteur : ducalmelucette

Du calme Lucette est un blog à forte tendance littéraire. Mais pas que !

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