Lecture : « Verre Cassé » d’Alain Mabanckou

Verre Cassé est un client assidu du Crédit a voyagé, un bar congolais des plus crasseux. Un jour, L’Escargot entêté, le patron, lui propose de mettre sur papier les prouesses héroïco-comiques des habitués… Dans un cahier de fortune, sous la plume désabusée de cet ancien instituteur ivrogne, prend vie l’histoire horrifique d’une troupe d’éclopés aux aventures fantastiques.

Verre Cassé – Alain Mabanckou

Éditeur : Points (réédition du 15 juin 2017)

Pages : 248

Ma note : 4/5

Mon avis :

Dès les premiers mots, on sait que l’on aura affaire à un récit peu commun. Pas de majuscules, pas de points. Uniquement des virgules dans un entêtement de mots aux phrases qui semblent sans fin. Autant dire que cela surprend ! Mais ne prenez pas peur. Si les débuts peuvent être un poil tatillons (le temps de s’habituer), on prend vite le train en marche, ou plutôt on se retrouve aspiré, qu’on le veuille ou non, au sein de ce bavardage africain plein de drôlerie imagée et de vie à l’état brut. 

Verre Cassé écrit comme il discute. Une vraie pipelette ! On commence un chapitre et c’est parti pour une phrase de plusieurs pages, hop ! J’en conviens, cela peut sembler effrayant quand on n’a pas lu ce livre, mais, même si j’avoue avoir un peu douté de ma capacité à aimer ce style au départ, je me suis finalement laissée emporter rapidement par ce flot de paroles écrites, par ces histoires fantasques dont les héros sont des ivrognes, des cœurs brisés, des visages ridés, des culs moisis, et j’en passe.

« (…) je voudrais surtout qu’en me lisant on dise « c’est quoi ce bazar, ce souk, ce cafouillis, ce conglomérat de barbarismes, cet empire des signes, ce bavardage, cette chute vers les bas-fonds des belles-lettres, c’est quoi ces caquètements de basse-cour, est-ce que c’est du sérieux ce truc, ça commence d’ailleurs par où, ça finit par où, bordel », et je répondrais avec malice « ce bazar c’est la vie, entrez donc dans ma caverne, y a de la pourriture, y a des déchets, c’est comme ça que je conçois la vie (…) »

Dans un bordel organisé, Verre Cassé nous parle de ses rencontres au bar et ailleurs, il nous raconte également un peu lui et sa vie brisée avec un certain recul et une véritable intelligence d’esprit. Il joue avec les mots, il insère par-ci par-là des références musicales et littéraires, l’air de rien. Il ne manque pas non plus de glisser quelques phrases engagées. Il nous sert aussi des proverbes à la sauce piquante africaine. Il m’a fait sourire plus d’une fois. Moi qui adore l’Afrique et ses habitants, j’étais ravie ! Incontestablement, ce récit original nous fait voyager à sa façon. Il ne ressemble à aucun autre. Il ne peut que soulever le débat, faire fleurir les réactions. Mais sa fin nous explique pourquoi il est écrit de la sorte, elle nous touche même, délicatement. Elle contraste avec le reste du récit qui est davantage dans l’humour et une sincérité abrupte.

En bref, ce roman atypique, une fois apprivoisé, nous embarque dans des histoires cocasses et excentriques pleines d’humour sans retenue. Ce texte bavard au rythme effréné, sans majuscules ni points, déroute autant qu’il s’empare de notre esprit. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, on se retrouve embarqué dans une Afrique drôle, dégoûtante, sinistre et touchante aux côtés de héros pathétiques racontés par un Verre Cassé aussi ivrogne qu’intelligent. Un sacré programme !

Merci à Lecteurs.com et aux Éditions Points pour cette lecture singulière !

Auteur : ducalmelucette

Du calme Lucette est un blog à forte tendance littéraire. Mais pas que !

4 réflexions sur « Lecture : « Verre Cassé » d’Alain Mabanckou »

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