Lecture : « Je suis la maman du bourreau » de David Lelait-Helo

Jusqu’où peut aller une mère lorsqu’elle découvre que son fils parfait et adoré est un monstre… ? Du haut de ses 90 ans, Mme de Miremont est la femme la plus dure, austère et pieuse qui soit. Figée dans ses certitudes et sa foi, la vieille dame ne vit que pour Dieu et pour son fils, le père Pierre-Marie. Quand les crimes du prêtre sont révélés au grand jour, Gabrielle vacille, l’armure se fend. Il lui faudra peu à peu baisser la garde pour dénouer les fils du drame. La mère du bourreau voit devant elle se refermer les portes du Ciel et s’ouvrir le plus rocailleux des chemins de croix…

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Je suis la maman du bourreau – David Lelait-Helo

Éditeur : Pocket (26 janvier 2023)

Pages : 212

Ma note : 4,25/5

Mon avis :

On ne ressort pas tout à fait indemne de cette lecture coup de poing…

Le verbe est incisif, le texte baigné d’allégories aussi poétiques que la réalité est monstrueuse. Chaque mot est pesé et intransigeant, collé au personnage d’abord acariâtre de Gabrielle de Miremont. Cette femme de 90 ans, pieuse, sans émotion apparente, voit son monde bien réglé s’effondrer à l’annonce de l’ignominie dont a fait preuve son fils, le père Pierre-Marie, pendant des dizaines d’années au sein de l’Église. Nous sommes alors les témoins de l’armure qui se fend, de la carapace qui s’effrite et des désillusions d’une mère qui avait tout misé sur cet enfant avec lequel le lien semblait si solide et éternel.

Du personnage imbuvable et irritable des premiers chapitres, nous ressentons peu à peu une surprenante empathie surgir face au désespoir de celle qui n’a jamais appris à baisser les armes. Ses croyances les plus ancrées disparaissent soudainement avec le témoignage d’une victime du bourreau, un enfant désormais devenu un homme beau, sincère mais à l’âme abîmée.

Les faits sont relatés sans fioritures, bruts, tels qu’ils ont été vécus par Hadrien, la victime. Ils ne laissent pas la place au doute, ils sont impardonnables. Ces paroles détruisent tout ce que Mme de Miremont avait savamment construit, avec rigueur et tradition, elles font s’effondrer le Ciel auquel elle se rattachait tant, elles balayent son sentiment de piété en un instant effroyable.

Au grand âge qui est le mien, j’aimerais comprendre comment on peut traverser la vie sans avoir un seul instant affronté la vérité crue. J’ose écrire que Dieu avait endormi ma conscience et ma raison, je ne L’accuse de rien ; c’est moi qui Lui avais donné toute la place, je L’avais convié dans le fauteuil le plus confortable, le plus élégant, avec la plus belle vue sur le jardin de ma vie. Éblouie par Sa toute-puissance, je m’étais assoupie à l’ombre de la Bible, à réciter des paroles que d’autres m’avaient mises en bouche.

La vieille dame doit alors affronter la dure réalité et ce fils qu’elle avait élevé au rang de Dieu, alors même qu’il incarnait silencieusement le diable.

— (…) Pierre-Marie, j’aurais dû me douter, tu avais la beauté du diable. Tu cites la Bible, alors écoute-la : « Tu paieras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main. » Et je paierai moi aussi… Pour t’avoir donné la vie et le vice. Je suis moi-même coupable d’avoir porté un diable, de l’avoir nourri à mon sein, à ma table.
— Maman, que dites-vous ? Vous n’avez été qu’amour et vertu.
— Non, je suis la maman du bourreau.

L’auteur décrit parfaitement le vernis qui s’écaille autant que la douleur d’une mère qui était aveuglée par son fils, la fierté, même dissimulée, et tout l’espoir qu’elle portait en lui, mais aussi la grande culpabilité d’être la maman du bourreau. 

C’est un roman effroyablement réaliste, au regard de tout ce que l’on sait des scandales de l’Église, et qui nous plonge au cœur du mal. Il donne une hypothèse, une réponse parmi d’autres à la question : Comment un homme, d’église de surcroît, peut en arriver à commettre de telles infamies ? Cette histoire apporte une des pistes probables, car il est bien difficile de comprendre de tels actes et de connaître précisément leur élément déclencheur. Mais assurément, le récit sonne vrai, ébranle la foi et est criant de sincérité. Il va au-delà du rejet primitif du monstre et des siens, il s’insinue dans la famille, creuse les failles et démonte les certitudes. Il décolle la façade et sonde les âmes. 

Une lecture de plus que je vous recommande absolument !

Un grand merci à Emmanuelle et Camille des éditions Pocket

Auteur : ducalmelucette

Du calme Lucette est un blog à forte tendance littéraire. Mais pas que !

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