Lecture : « Ceux qui restent » de Jean Michelin

Comme chaque matin, l’aube grise se lève sur l’immuable routine de la garnison. Mais cette fois, Lulu manque à l’appel. Lulu, le caporal-chef toujours fiable, toujours solide, Lulu et son sourire en coin que rien ne semblait jamais pouvoir effacer, a disparu. Aurélie, sa femme, a l’habitude des absences, du lit vide, du quotidien d’épouse de militaire. Elle fait face, mais sait que ce départ ne lui ressemble pas. Quatre hommes, quatre soldats, se lancent alors à sa recherche. Ils sont du même monde et trimballent les mêmes fantômes au bord des nuits sans sommeil. Si eux ne le retrouvent pas, personne ne le pourra…

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Ceux qui restent – Jean Michelin

Éditeur : Pocket (24 août 2023)

Pages : 246

Ma note : 4,25/5

Mon avis :

Direction l’armée et tout ce qui va avec : l’abnégation, les traumatismes, la douleur, les absences, les familles qui attendent, mais aussi l’engagement fort, les secrets et la fraternité. Qui mieux qu’un Officier de l’armée de Terre peut nous plonger aussi profondément et intensément dans ce milieu très spécial ? En effet, Jean Michelin nous embarque dans ce récit avec un réalisme foudroyant !

Pour schématiser, Lulu a disparu. Lulu, c’est un surnom parmi tant d’autres au sein de l’armée. C’est celui de ce caporal-chef quarantenaire qui est parti du jour au lendemain, qui a laissé sa femme et leur enfant sans nouvelle. Et ce n’est pas dans ses habitudes. « Que Lulu rate une journée de boulot, c’était louche. Qu’il soit aux abonnés absents plus de trois jours n’était foutrement pas envisageable. » Alors, quatre de ses frères d’armes vont partir à sa recherche et tenter de dénouer les fils de cette histoire. Car ils ne peuvent pas laisser tomber leur « frère », eux qui mieux que quiconque peuvent comprendre les désertions, les pétages de câble, les insomnies… 

« Il avait les médailles et les rides au coin des yeux, il était du même monde et trimballait les mêmes silences au bord des nuits sans sommeil. Si lui ne comprenait pas, personne ne le pourrait. »

Le temps de quelques jours, nous sommes en immersion tour à tour au cœur d’une mission passée en Guyane, « là-bas », puis « ici », en compagnie de ces quatre militaires qui feront tout pour retrouver Lulu, dans cet « ailleurs » dont ils n’ont aucune espèce d’idée. Ainsi se déroulent les chapitres dans cet espace temps et ces lieux qui ont vu couler tant de larmes et de sang mais sont également les témoins d’une détermination (presque) sans faille. 

Il est question, de mon propre regard, de sacrifice, sans qu’il ne soit jamais mentionné, car, dans les yeux de ces professionnels, nous parlons plutôt d’engagement et du sens profond du devoir. Mais pour les familles qui restent à attendre inlassablement mais aussi à supporter les retours difficiles, la situation est compliquée à vivre et l’on pourra sans aucun doute leur attribuer à elles aussi des médailles. C’est ce que l’auteur n’oublie pas de souligner et il donne la part belle autant à ceux qui partent qu’à ceux qui restent. Dans ce titre du roman, ceux mentionnés sont, de mon propre avis, autant ceux qui attendent (la famille, les amis…) que ceux qui restent, une fois l’opération terminée, ceux que les morts sur le front laissent derrière eux. Pour moi, le choix du titre est donc très judicieux car il est réellement question de tout cela dans ce roman.

L’écriture est ciselée, ultra réaliste, elle tape là où cela fait mal, elle dénonce, elle déplore, elle accompagne l’élan fraternel aussi. Elle sait également instiller quelques touches de poésie au milieu de ce fracas. Le texte se lit vite, avec ferveur. Nous sommes emportés, alors même que ce sujet n’est pas ma tasse de thé à l’origine. Mais cette sorte d’enquête, entrecoupée de flashbacks guerriers, est avant tout humaine. Nous approchons d’assez près les troubles des hommes qui se taisent et c’est ce qui rend finalement le récit touchant. Il n’est pas si facile de désarmer un militaire.

Alors si comme moi, vous n’êtes pas friands d’armée et de guerre, osez lire celui-ci. On ne peut absolument pas le réduire à ces thématiques, il est bien plus. Il nous plonge dans la difficile réalité de ces hommes qui s’engagent et de leurs familles qui s’engagent tout autant. Ce n’est pas tout mais puisqu’il est hors de question de spoiler, je vous laisserai découvrir tout ce qui se cache derrière la disparition de Lulu.

Un grand merci à Emmanuelle et Camille des éditions Pocket ! 

Auteur : ducalmelucette

Du calme Lucette est un blog à forte tendance littéraire. Mais pas que !

3 réflexions sur « Lecture : « Ceux qui restent » de Jean Michelin »

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