Lecture : « La Mésange et l’ogresse » de Harold Cobert (Rentrée littéraire 2016)

« Ce que je vais vous raconter ne s’invente pas. »
22 juin 2004. Après un an d’interrogatoires, Monique Fourniret révèle une partie du parcours criminel de son mari, « l’Ogre des Ardennes ». Il sera condamné à la perpétuité. Celle que Michel Fourniret surnomme sa « mésange » reste un mystère : victime ou complice ? Instrument ou inspiratrice ? Mésange ou ogresse ?
Quoi de plus incompréhensible que le Mal quand il revêt des apparences humaines ?
En sondant les abysses psychiques de Monique Fourniret, en faisant résonner sa voix, jusqu’au tréfonds de la folie, dans un face à face tendu avec les enquêteurs qui la traquent, ce roman plonge au cœur du mal pour arriver, par la fiction et la littérature, au plus près de la glaçante vérité.

La mésange et l'ogresse

La Mésange et l’ogresse – Harold Cobert

Éditeur : Plon (18 août 2016)

Pages : 425

Ma note : 4.5/5

Mon avis :

Nous voici à la veille de la parution de ce roman troublant et fort dont je vous conseille vivement la lecture. C’est une plongée dans les ténèbres à travers une fiction plus vraie que nature ! 

C’est à devenir fou ! De découvrir la perversité d’une partie du monde, de rentrer dans l’esprit malade d’une femme, d’être imprégné de la tension, la colère et l’angoisse des enquêteurs… Au fil des chapitres et tour à tour, Harold Cobert nous présente les jours d’enlèvement des victimes, l’avancée laborieuse et difficile de la Police dans cette affaire, mais aussi les pensées et les actes de Monique Fourniret. Tous les noms des protagonistes ont été changés, hormis ceux des Fourniret. L’auteur nous prévient dès le départ que ceci est une « oeuvre de fiction » qui suit au plus près les faits. Mais ici la fiction semble se fondre complètement dans la réalité. C’est un roman policier qui vous prend à la gorge tant il paraît juste et véridique.

On ne peut pas croire que tout cela est possible, et pourtant…

« Et puis faut pas croire, il est exigeant, mon fauve, très exigeant pour ses proies, comme avec son chien, il ne chasse pas n’importe qui, ça non, ce n’est pas toujours Noël, et quand bien même elles ne sont pas reparties, toutes ces filles, franchement, le viol, ce n’est pas mortel, dans d’autres pays, les fillettes violées, c’est presque normal, pourquoi on en fait tout un foin comme ça ? »

L’écriture se colle aux personnages et les chapitres ne se ressemblent pas. Ainsi, elle est fouillis, alambiquée, dérangeante et inhumaine quand il s’agit de retranscrire les pensées de Monique Fourniret ; elle est haletante et prenante quand nous suivons le commissaire Jacques Debiesme dans son enquête ; elle est sobre, efficace et précise quand nous prenons connaissance des jours d’enlèvement des jeunes victimes. Cette narration nous permet de rentrer complètement dans le récit et de ressentir toutes les émotions qui se dégagent d’une telle affaire.

Au fil des chapitres et des auditions de Monique Fourniret, nous nous impatientons, nous nous énervons contre cette femme qui reste dans ses retranchements, qui n’avoue rien pendant toute une année, qui bafouille et s’exprime chichement. C’est à ce moment précis que je salue le travail de la Police, cette patience dont ils doivent faire preuve, la façon dont ils doivent prendre sur eux-mêmes pour ne pas exploser et risquer la bavure. Sans oublier la difficulté d’accorder du temps pour leur vie personnelle et familiale ; l’affaire qui empiète sur tout, y compris la santé. Nous ressentons, dans ces parties du récit consacrées aux enquêteurs, une forte tension, des personnages parfois démunis mais qui souvent ne lâchent rien, qui suivent leur instinct, qui tentent de rester soudés dans l’adversité. L’auteur sait nous faire passer les émotions, incontestablement. C’est percutant et terriblement efficace.

Et bien sûr l’horreur est là. De 1987 à 2003, nous découvrons de quelle façon les victimes se sont faites enlever, nous soufflons et respirons un grand coup quand elles arrivent à en réchapper ou quand elles refusent de monter à bord du véhicule de Fourniret, mais souvent notre ventre se tord quand elles ne rentrent pas chez elles… L’auteur n’en fait pas trop, il explique, ne s’attarde pas mais en écrit assez pour que l’on se rende bien compte de la perversité maladive de Michel Fourniret et de la gravité de ses actes.

Le roman se termine par la 120ème audition de Monique Fourniret, en juin 2004, et le dénouement que l’on connaît. Nous le terminons comme abasourdi, le souffle récupéré subitement, une bouffée d’air que l’on prend à la hâte après avoir coupé sa respiration longuement.

Je pense que ce roman me marquera longtemps. Je salue véritablement le travail de recherche de l’auteur, sa grande implication qui s’en ressent à la lecture, la façon juste qu’il a eu de nous exposer les faits et de nous proposer un déroulement fictionnel crédible. Je vous recommande vivement ce récit qui nous expose la psychologie malade d’une femme qui oscille entre Mésange et Ogresse, et qui nous laisse à reconsidérer autrement son rôle dans l’horreur.

Je remercie très sincèrement les Éditions Plon ainsi que NetGalley pour m’avoir permis de découvrir ce formidable roman en avant-première.

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Auteur : ducalmelucette

Du calme Lucette est un blog à forte tendance littéraire. Mais pas que !

10 réflexions sur « Lecture : « La Mésange et l’ogresse » de Harold Cobert (Rentrée littéraire 2016) »

  1. Franchement ce « roman » ne m’attirait nullement. Le mélange fiction/réalité sur un sujet aussi polémique que rebutant ne m’inspirait pas, je ne me sens pas l’âme d’une voyeuse ! Pourtant, ta chronique et ton engouement m’interrogent et me font douter. Alors qui sait ? Je céderai peut-être à la curiosité pour me faire ma propre opinion … 😉

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    1. Je ne me sens pas l’âme d’une voyeuse non plus, c’est plutôt le côté psychologique de ces personnes qui m’intéressaient beaucoup. Et là, nous sommes en plein dedans. Mais fais-toi ta propre opinion oui car bien sûr nous ne voyons pas tous les choses de la même façon.

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  2. Glaçant. Je ne sais pas si je suis prête à lire cet ouvrage. Je suis encore « perturbée » après la lecture des « Bienveillantes » il y a déjà quelques années! Je trouve déstabilisant d’avoir en tant que lecteur, le point de vue du criminel. C’est pourtant une démarche intéressante, j’en conviens! De plus, ta chronique est très bien argumentée et je me dis que si je tombe sur ce livre à la médiathèque, je franchirai peut-être le pas…

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    1. Il est certain que ce n’est pas un roman léger, mais je trouve que l’auteur a réussi à trouver le juste milieu et ne pas donner trop de détails pervers, même si bien sûr il en faut parfois, pour rentrer dans la peau des personnages. Personnellement j’ai vraiment apprécié plonger dans l’enquête et dans la psychologie de la femme de Fourniret, c’est très intéressant !

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