Lecture : « J’ai longtemps eu peur de la nuit » de Yasmine Ghata (Rentrée littéraire 2016)

Tout commence lorsque Suzanne, qui anime des ateliers d’écriture, demande à chacun de ses élèves d’apporter un objet de famille susceptible d’illustrer sa vie personnelle. L’un d’entre eux, Arsène, un orphelin rwandais réfugié en France après avoir réussi à échapper aux massacres qui ont ensanglanté son pays, doit avouer qu’il ne possède rien d’autre qu’une valise qui lui a servi d’abri durant sa fuite.

C’est à partir de cet objet singulier que Suzanne va le convaincre de lui raconter son itinéraire et de lui livrer le secret de sa jeune existence. L’exercice devient pour Arsène le moyen d’exorciser sa « peur de la nuit » et de renouer les fils d’une identité dévastée, tandis que Suzanne accomplit son propre rituel du souvenir en revenant, pour un ultime adieu, sur les traces d’un père prématurément disparu. Par la grâce de l’écriture et de l’imaginaire.

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J’ai longtemps eu peur de la nuit – Yasmine Ghata

Éditeur : Robert Laffont (paru le 18 août 2016)

Pages : 156

Ma note : 4,25/5

Mon avis :

Ce roman n’est pas resté longtemps dans ma PAL (Pile à lire), le résumé m’ayant plu et attiré dès sa parution. C’est une histoire que l’on dévore, que l’on lit vite ; l’écriture est magnifique, le récit émouvant et tendre. 

Nous découvrons tour à tour les quêtes personnelles et les souvenirs de Suzanne, une professeure française, et d’Arsène, son élève adolescent d’origine rwandaise. Le récit est rythmé à travers deux narrations différentes, les chapitres sont courts. L’écriture est fluide, pleine de tendresse, de nostalgie, d’émotion et d’amour. Malgré un sujet difficile (le génocide au Rwanda mais aussi les blessures de l’enfance des deux personnages), nous dévorons le fil de leurs vies, de leurs confidences, de leurs douleurs mais aussi de leur renaissance mutuelle, l’un exhortant le passé de l’autre. Leurs vies sont éloignées mais se rejoignent ici. Les langues se délient, les pensées s’éclaircissent, les rituels s’apaisent.

Arsène est le seul survivant de son village rwandais massacré. Il n’a alors que huit ans. C’est seul, avec sa valise préparée en vitesse par sa grand-mère pour le sauver, qu’il va s’enfuir. Il ne sait pas où il va et sera confronté à l’hostilité de la nature sauvage. Il verra ce qu’un enfant de son âge ne devrait pas voir. Il va survivre pendant deux semaines avant d’être recueilli par une organisation française puis être adopté par un couple français adorable et bienveillant.

« Tu as longtemps eu peur de la nuit avec cette croyance ancrée que l’on est plus fragile et plus vulnérable dans l’obscurité.
« La nuit, la mort rôde et visite les vivants. On peut se lever et suivre les morts sur un simple malentendu. Au premier rayon du soleil, ils se volatilisent et disparaissent. J’ai longtemps eu peur de la nuit. Dormir dans ma valise les tenait à distance. »

Suzanne anime un atelier d’écriture dans l’école d’Arsène et va demander à ses élèves de travailler au sujet d’un objet ancien appartenant à leur famille depuis longtemps et qu’ils choisiront. Arsène ne possède que sa valise, son compagnon de route d’un passé douloureux, et c’est avec difficulté qu’il entamera son histoire. Mais ces deux-là vont s’apprivoiser, certainement parce qu’ils portent tous deux des douleurs de l’enfance. Suzanne va donc comprendre plus que jamais cet élève qui va finir par se confier à elle. C’est à travers le récit de cet adolescent que Suzanne va entamer son propre pèlerinage, retourner sur les lieux de son enfance et « retrouver ses racines profondes ».

« Rien n’indiquait sa hâte de quitter cet endroit qui était pourtant devenu à ses yeux une sépulture à ciel ouvert. »

Ce roman est court et fort à la fois. La plume de Yasmine Ghata est magnifique et ponctue de poésie un récit percutant. Je ne peux que vous conseiller sa lecture !

« Les paroles pour l’un, l’écriture pour l’autre les conduisent à la recherche de soi. »

Auteur : ducalmelucette

Du calme Lucette est un blog à forte tendance littéraire. Mais pas que !

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