Lecture : « À sa place » d’Ann Morgan

Helen et Ellie sont identiques. En apparence, du moins. Car, si ces jumelles de six ans se ressemblent comme deux gouttes d’eau, elles savent bien qu’elles sont différentes. Helen est la chef, Ellie son ombre. Helen décide, Ellie obéit. Helen invente des jeux, Ellie y participe. Jusqu’au jour où Helen en propose un plus original : intervertir leurs rôles, juste pour une journée. La farce fonctionne si bien que leur propre mère n’y voit que du feu. Et les deux fillettes s’amusent comme jamais. Mais le soir venu, alors que chacune devait reprendre sa place, Ellie, pour la première fois, dit non. Elle veut rester Helen. Pour cette dernière, c’est le début de la descente aux enfers.

À sa place – Ann Morgan

Éditeur : Presses de la Cité (20 avril 2017)

Pages : 412

Ma note : 3,75/5

Mon avis :

Dès le début de ma lecture, j’ai accroché à l’histoire et à l’écriture. Les jumeaux fascinent et dans ce roman il est question de changement d’identité. Le deuxième thème principal étant les non-dits mais aussi une certaine forme de violence psychologique familiale. 

L’ambiance est assez malsaine au sein de la famille Sallis, et même au cœur de la relation des deux sœurs jumelles, Helen et Ellie. Leur amour porté à l’autre est borderline, certainement parce que leur mère, dépeinte comme mauvaise et ingrate mais aussi dépressive suite à un drame familial, les traite de façon différente et va conditionner en quelque sorte leurs caractères. Helen ayant sa préférence car elle semble plus intelligente, plus posée, davantage à sa convenance. Ellie est en effet plus « sauvage », plus difficile à gérer au quotidien. Ces deux sœurs de 6-7 ans ne sont donc pas enveloppées d’un amour maternel protecteur, elles sont plutôt vouées à elles-mêmes.

« D’où lui venait cette timidité, avant l’échange ? Cet air d’avoir toujours peur de ce que le monde lui réservait ? On racontait que la lenteur d’Ellie était la conséquence d’une naissance difficile, le cordon ombilical qui s’était enroulé autour de son cou. Mais Smudge (Helen devenue Ellie, ndlr) se souvenait d’un temps où ce fossé entre elles n’existait pas. Cette Ellie était robuste et intrépide. Qu’est-ce qui l’avait poussée à se refermer sur elle-même, provoquant la cruauté de la première Helen, qui s’efforçait maladroitement de la faire sortir de sa réserve ? Qu’est-ce qui avait bouleversé l’équilibre ? »

Puis arrive le jour où Helen propose un jeu à Ellie. Pour une journée, elles échangeront leur place. Un échange qui les amusera follement. Sauf qu’une fois le soir venu, le moment de reprendre leurs identités, Ellie refuse, bien trop heureuse de bénéficier de la place privilégiée d’Helen.

Ce jour où tout a basculé changera à jamais leurs vies. Et c’est dans une alternance d’hier et d’aujourd’hui, d’une Helen devenue Ellie, enfant, adolescente puis adulte, que nous suivons le parcours des sœurs, chaotique pour l’une, réussi pour l’autre. Mais Ellie devenue Helen mène-t-elle vraiment la vie de rêve qu’elle semble avoir obtenue ? Comment grandir avec ce poids du mensonge au quotidien ? Comment va évoluer leur relation au fil des années ? Quelles vont être les conséquences psychologiques et physiques ? Personne ne va-t-il se rendre compte de ce petit jeu qui a bien trop duré ?

L’alternance des époques donne un bon rythme au roman mais j’avoue avoir ressenti de légères longueurs passé la moitié de celui-ci. J’aurai aimé plus de rebondissements, plus d’accroche. En effet, l’histoire est assez noire et arrivée à un moment, je voulais connaître son dénouement car j’avais une impression de stagner dans ma lecture. Ceci-dit, le traitement psychologique des personnages est très intéressant. On se retrouve au cœur d’une sorte de bipolarité et on se demande toujours comment ces deux sœurs vont pouvoir vivre avec tout ça, elles qui traînent déjà des bagages émotionnels assez conséquents.

Vous aimerez ce roman si vous aimez les Contemporains psychologiques et leurs ambiances assez particulières, sombres même. Le rythme n’est pas haletant, l’atmosphère vous enveloppe d’un voile noir, froissé par la relation compliquée de jumelles dont l’ascendance de l’une fera indéniablement souffrir l’autre, si ce n’est les deux finalement. Le jeu de la mémoire fera s’embrouiller la vérité et il sera difficile pour les deux sœurs de s’accrocher au radeau de la stabilité et de la normalité. Assurément, je n’aimerai pas être À leur place

Un grand merci à Babelio et aux Éditions Presses de la Cité qui m’ont permis de découvrir ce roman torturé et tortueux lors d’une Masse critique privilégiée.

Auteur : ducalmelucette

Du calme Lucette est un blog à forte tendance littéraire. Mais pas que !

4 réflexions sur « Lecture : « À sa place » d’Ann Morgan »

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