Lecture : « Intérieur nuit » de Marisha Pessl

Un génie, un maniaque, une arnaque ? Qui est vraiment Stanislas Cordova, ce réalisateur de films d’horreur auquel on voue un culte acharné et qui vit reclus dans une vaste propriété ? Bannis des cinémas, ses longs-métrages sont projetés lors de séances clandestines qui tiennent plus du rite satanique que du divertissement. Le journaliste Scott McGrath a tenté de percer son mystère et y a laissé son mariage et sa carrière. Quelques années plus tard, quand la fille du cinéaste est retrouvée morte dans un entrepôt de Manhattan, McGrath décide de reprendre l’enquête, quitte à devenir un personnage de plus dans l’univers paranoïaque de Cordova…

Intérieur nuit – Marisha Pessl

Éditeur : Folio (18 mai 2017)

Pages : 842

Ma note : 4,5/5

Mon avis :

Quelle maîtrise dans ce roman ! 850 pages de fascination, d’imaginaire, d’envoûtement, de sorcellerie, de fanatisme, de doute, d’espoir et de désespoir. Un roman imagé, un roman dans lequel on plonge de toute son âme. Un Intérieur nuit qui mérite que l’on continue à le hisser sous le feu des projecteurs. Un roman qui nous éblouit de toute sa noirceur. 

Le mystère Cordova plane tout au long du récit. Il est si bien distillé, si bien illustré (de fausses coupures de presse ainsi que d’autres illustrations sont parsemées au fil des chapitres), que ce réalisateur sombre et intouchable nous apparaît plus vrai que nature. Le fantôme de sa fille imprègne aussi toutes les pages. C’est un véritable talent de faire naître avec tant de réalisme des personnages. En cela déjà, je salue le travail de l’auteure, Marisha Pessl. C’est seulement son deuxième roman publié et nous avons l’impression d’avoir affaire à une écrivaine ayant beaucoup plus d’expérience. Force est de constater que quand on possède un vrai talent, tout fonctionne dès le départ. Car Intérieur nuit est une réelle réussite pour moi, j’ai adoré ma lecture. Je n’ai pourtant pas eu le temps nécessaire pour le lire aussi vite que je l’aurai voulu, mais dès que je pouvais me glisser à nouveau dans l’histoire, c’est avec délectation que je le faisais. Les lectures entrecoupées ne sont pas toujours évidentes, on peut facilement perdre le fil mais aussi l’envie, et pourtant ici, je n’ai pas eu de mal à reprendre malgré une pause de presque quinze jours. C’est plutôt bon signe !

« Ces trois mots, que Cordova avait employés dans sa célèbre interview à Rolling Stone pour décrire le plan qu’il préférait dans tous ses films – un gros plan sur son œil -, formaient une devise pour les Blackboards et pour sa vie même. Souverain : le caractère sacré de l’individu, se considérer comme un être d’élite, puissant, autonome, arracher son autorité des mains de la société. Implacable : ne jamais oublier que sa propre mort est inéluctable, ce qui signifie qu’il n’y a aucune raison de ne pas être féroce, aujourd’hui, dans sa vie. Parfait : comprendre que la vie et l’instant présent constituent un idéal absolu. Pas de regret, pas de culpabilité, car même si vous vous retrouvez coincés, ce n’est qu’un cocon dont il faut s’extirper – et libérer sa vie. »

850 pages, c’est beaucoup. Malgré tout, je n’ai jamais ressenti un quelconque ennui ni longueur. Les chapitres défilaient, l’ambiance mystique et noire m’enveloppait, et j’ai eu souvent l’impression de partir en quête de la vérité avec les trois personnages, Scott, Nora et Hopper. J’ai vécu l’histoire, j’ai aimé les protagonistes, j’ai eu de l’empathie pour eux, j’ai souri avec eux, j’ai aimé avec eux, j’ai eu la frousse avec eux, j’ai cherché avec ferveur les réponses aux questions qui planent sur la mort de la belle et jeune Ashley Cordova. Nous, lecteurs, sommes sans cesse plongés dans la fascination de cette famille mystérieuse dont le père, Stanislas Cordova, est au centre des plus effroyables croyances et superstitions. Pourquoi ne se montre-t-il jamais ? Qui est-il vraiment ? Quelles sont ses pratiques ? Pourquoi ses films sont si effrayants ? Qu’est-il réellement arrivé à sa fille Ashley ? L’auteure m’a trimbalée, a dirigé mes pensées, m’a mise sur les pistes qu’elle souhaitait. J’ai complètement suivi le chemin qu’elle avait tracé pour le lecteur et c’est avec complaisance et enivrement que je me suis laissée manipulée. Ce qui ne fait partie en aucun cas de mes habitudes !
Ce roman interpelle aussi, il nous immerge dans les turpitudes de l’esprit, dans ce que nous voulons croire et dans ce que nous refusons d’admettre et de comprendre. À mi chemin entre le roman psychologique, le thriller et le récit mystique, il nous ensorcelle indéniablement du début à la fin.
En bref, ce fut une lecture formidable, étonnante, complète, tantôt lancinante, tantôt pleine de rebondissements. Une belle expérience littéraire en somme !

J’aurai mis 20/20 si la fin ne m’avait pas laissé une légère frustration. J’avais envie d’en savoir plus, de continuer un peu l’histoire, de boucler complètement le cercle mystérieux. Mais pas de gâchis et pas de regret, juste une certitude : ce roman est à mettre entre toutes les mains avides d’évasion et d’histoire hors du commun, même les plus exigeantes. Je ne peux que vous le conseiller vivement. Il est prenant, délicieusement enténébré, et il sait booster notre imaginaire à foison. Entre la fiction et la réalité, les limites sont parfois floues, et c’est une vraie évasion que l’auteure nous offre. Lisez-le, je vous en supplie !

Un grand merci à Livraddict et aux Éditions Folio pour cette lecture fabuleuse !

Auteur : ducalmelucette

Du calme Lucette est un blog à forte tendance littéraire. Mais pas que !

5 réflexions sur « Lecture : « Intérieur nuit » de Marisha Pessl »

  1. Oh, je ne savais pas que c’était un pavé… Mais il m’attire énormément ! Le côté thriller et psychologique, c’est tout ce que j’aime. Et je suis bien intriguée par l’aspect mystique. Hâte de l’acheter 🙂 Très jolie chronique en tout cas. Bises

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