Lecture : « La Vraie Vie » d’Adeline Dieudonné

C’est un pavillon qui ressemble à tous ceux du lotissement. Ou presque. Chez eux, il y a quatre chambres. La sienne, celle de son petit frère Gilles, celle des parents, et celle des cadavres. Le père est chasseur de gros gibier. La mère est transparente, amibe craintive, soumise aux humeurs de son mari. Le samedi se passe à jouer dans les carcasses de voitures de la décharge. Jusqu’au jour où un violent accident vient faire bégayer le présent.

Dès lors, Gilles ne rit plus. Elle, avec ses dix ans, voudrait tout annuler, revenir en arrière. Effacer cette vie qui lui apparaît comme le brouillon de l’autre. La vraie. Alors, en guerrière des temps modernes, elle retrousse ses manches et plonge tête la première dans le cru de l’existence. Elle fait diversion, passe entre les coups et conserve l’espoir fou que tout s’arrange un jour.

La Vraie Vie – Adeline Dieudonné

Éditeur : L’Iconoclaste (29 août 2018)

Pages : 266

Ma note : 4,5/5

Mon avis :

J’avais lu de bons avis concernant ce premier roman d’Adeline Dieudonné puis j’avais vu une de ses apparitions télévisuelles qui m’avait confortée dans l’envie que j’avais de le lire. Par conséquent, tout cela me faisait garder cette idée lecture dans un coin de ma tête. C’est donc avec plaisir que je me suis plongée dedans sitôt le livre en ma possession. Je précise qu’il a obtenu le Prix du Roman FNAC 2018. 

Dès les premières lignes, j’ai su que ce récit n’allait pas faire dans la dentelle. L’ambiance est posée. Dans cette maison grise du Démo, zone pavillonnaire sans saveur, il y a quatre chambres : celle de la narratrice, celle de son petit frère Gilles, celle des parents et celle des cadavres. Ainsi, dès ses premiers mots, La Vraie Vie introduit la mort. La mort en toute chose comme je le découvrirai ensuite : celle des animaux fièrement tués par la figure paternelle, celle de l’amour qu’aucun des parents ne semble plus ressentir, celle de l’innocence d’enfants qu’un accident va faire s’envoler, et d’autres choses encore.

Pourtant, au départ, le lien fraternel qui unit la narratrice et son petit frère Gilles sauve ce quotidien un poil sinistre. La musique et les rires égayent la rue du triste lotissement. Même la décharge et ses carcasses de voitures semblent être un terrain de jeu divertissant. Mais quand un accident brutal survient, c’est toute leur vie qui va s’en trouver changée. La vie devient sauvagerie, les esprits semblent être hantés et dirigés par une force maléfique. Le quotidien devient une lutte à la survie. Même Gilles n’est plus le même. Dès lors, la jeune fille de dix ans fera tout son possible pour récupérer la vie d’avant, la vraie.

Le récit est brut, parfois violent. Il raconte un quotidien buriné par les coups du père, asphyxié par la soumission et le silence de la mère, dégradé par le changement de la figure fraternelle. Mais il raconte aussi la résistance d’une gamine qui s’acharne à ne pas vivre cette vie-là. C’est un véritable combat qui se met en place, une chasse sans précédent. Elle se débat avec vigueur, elle rencontre des personnages qui lui feront entrevoir un avenir, sans jamais oublier ce frère qu’elle se refuse de perdre, jusqu’au dénouement final qui chamboule tout de nouveau.

La Vraie Vie est un roman cinglant et sanguin qui nous plonge tout de go dans la dominance, la violence, la métamorphose, la soumission, l’affrontement, l’ascendance du Mal mais aussi dans l’émulation de la survie. C’est l’offensive d’une jeune fille au cœur des hostilités familiales. Un récit à découvrir absolument pour sa fulgurance et son âpreté. Il est féroce et ne manque pourtant pas d’espoir dans l’apparente désespérance de la vie de cette famille au cœur de laquelle nous n’aimerions pas être nés.

Auteur : ducalmelucette

Du calme Lucette est un blog à forte tendance littéraire. Mais pas que !

6 réflexions sur « Lecture : « La Vraie Vie » d’Adeline Dieudonné »

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